jueves, 21 de enero de 2016

Edmonde Charles-Roux: Letres françaises

Libre et indocile, la romancière Edmonde Charles-Roux est morte.


LE MONDE | 21.01.2016 à 08h24 • Mis à jour le 21.01.2016 à 14h32 |

Femme de lettres et journaliste dont le parcours épouse l’histoire culturelle française depuis près de soixante-dix ans, Edmonde Charles-Roux est morte mercredi 20 janvier à Marseille, à l’âge de 95 ans.

Farouchement méridionale – si ses parents sont marseillais, son ascendance annexe aussi les pays cévenol et avignonnais –, résolument cosmopolite par son éducation, elle naît à Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, le 17 avril 1920. Fils d’un armateur marseillais, son père, François (1879-1961), est certes un homme d’affaires, mais aussi un diplomate. S’il devient membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques), ses postes officiels l’entraînent, lui et les siens – son épouse, Sabine, et leurs enfants, Cyprienne, qui deviendra princesse del Drago, Jean, diplomate converti à la congrégation des rosminiens, et Edmonde donc – à vivre, selon ses affectations, à Saint-Pétersbourg, Istanbul, Le Caire, Prague – la ville de la petite enfance –, et Londres. Déménageant avec armes et bagages, chiens, chevaux et selleries.

Pour trouver un emploi, elle quitte donc Marseille et s’essaie au journalisme ; par hasard elle croise un armateur marseillais qui, actionnaire d’un nouvel hebdomadaire féminin, Elle, la présente à ses fondatrices, Hélène Lazareff et Marcelle Auclair. Son premier papier : le retour de Toscanini à Milan ! Passionnée de musique, elle accompagne la naissance, voulue par Lily Pastré et Gabriel Dussurget, du Festival d’Aix-en-Provence, lancé par un Cosi fan tutte interprété par un chef autrichien (Hans Rosbaud) et un orchestre allemand (celui de la radio Südwestfunk de Baden-Baden) ! Un pied de nez aux ostracismes et à l’héritage de la haine… Convoquant les peintres les plus créatifs pour les décors des productions lyriques d’Aix, Edmonde Charles-Roux rayonne et André Derain, qui se lie à elle, la prend pour modèle.

Courriériste, elle passe deux ans à la rédaction de Elle (1947-1949), avant de travailler à l’édition française du journal Vogue (1950). Elle en devient rapidement rédactrice en chef, succédant à Michel de Brunhoff. Elle y impose très vite sa marque, tant dans la maquette et la mise en pages que le contenu. Sur 70 pages, elle en assigne 30 à la mode et autant à la culture !

Elle y révèle ou y impose des talents nouveaux. Dans le domaine des arts plastiques (le peintre Hervé Dubly), la photographie (le Français Guy Bourdin, après l’Américain Irving Penn qu’elle accueille dès juin 1951 dans la revue où Henry Clarke et Richard Avedon officient déjà, bientôt rejoints par William Klein), la littérature (François-Régis Bastide, François Nourissier, Violette Leduc, Alain Robbe-Grillet), les créateurs de mode (après Dior, Ungaro et Saint Laurent). Jouant d’une synergie créatrice pour promouvoir le pop art comme le prêt-à-porter, le dialogue des audaces et des aspirations contemporaines. Ce n’est pas sans risque : Edmonde Charles-Roux doit quitter le magazine en 1966, sur rumeur de scandale, pour avoir voulu imposer une femme de couleur en couverture. Une audace impardonnable ; de fait, le premier mannequin noir à faire la couverture de Vogue Paris (le titre change en 1968) sera Naomi Campbell, plus de vingt ans plus tard (1988).

Mais 1966 n’est pas une année sombre pour Edmonde Charles-Roux. A l’automne, elle publie chez Grasset son premier roman, Oublier Palerme. Tiré d’un souvenir d’enfance en Sicile – un fait divers sanglant mettant aux prises un marchand de fleurs palermitain avec un touriste américain candidat à la mairie de New York qui retrouve là soudain la logique archaïque de la violence de la terre de ses ancêtres –, le livre, ardemment soutenu par Louis Aragon et Elsa Triolet, est aussitôt couronné par le prix Goncourt.

Ce n’est pas vraiment le coup d’essai de l’écrivaine, qui avait participé dix ans plus tôt à l’atelier littéraire constitué par Maurice Druon en 1955 en vue de la rédaction des Rois maudits (6 vol., 1955-1960). Réveillant l’intérêt pour le roman historique qu’elle réhabilite et rajeunit, la saga capétienne fait aujourd’hui partie des œuvres qu’assume la romancière : « J’ai été un de ses nègres, en somme, mais des nègres qui disaient leur nom. »

Justesse et sobriété
Si le Goncourt lui offre une rencontre inattendue mais déterminante – chargé de lui remettre la médaille de la ville de Marseille, le maire Gaston Defferre fait la connaissance de la romancière : le coup de foudre est si fort qu’il bouleverse leurs vies désormais liées et Edmonde devient Mme Defferre en 1973 –, l’écrivain ne cède pas à la fébrilité. Elle prend son temps. Et poursuit son investigation de mondes enfuis ou obscurs. Suivront donc, chez Grasset, Elle, Adrienne (1971), intrigue sous l’Occupation où une couturière libre et renommée semble préserver son mystère, L’Irrégulière ou Mon itinéraire Chanel (1974), plongée biographique dans une vie maquillée à dessein par son héroïne, et la biographie d’Isabelle Eberhardt (1877-1904), « la femme des extrêmes » dont la vie errante et passionnée fascine la femme de lettres (Un désir d’Orient, 1988 et Nomade j’étais, 1995). Aux confins de son amour de la Sicile et de son attachement au Temps Chanel (1979).

Lire aussi : Edmonde Charles-Roux : Marseille en héritage 



Edmonde Charles-Roux se fait aussi traductrice pour Une enfance sicilienne (1981), reprise en français des Mémoires de Fulco di Verdura (1898-1978), cousin de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957), auteur du Guépard. Le duc, dont l’enfance tient d’un paradis évanoui, précocement ruiné, avait été embauché par Gabrielle Chanel comme dessinateur de tissus, et finalement comme joaillier e t concepteur de bijoux pour sa maison.

Pas de place pour l’invention romanesque donc, mais un art de l’évocation de personnages, de faits ou de contextes historiques qui éblouit tant par sa justesse que sa sobriété. L’empathie ténue que propose Edmonde Charles-Roux a le charme et l’élégance de sa conversation, dont la vivacité enthousiasmait chaque année les jeunes réunis à Rennes pour les Rencontres Goncourt des lycéens qu’elle a défendues avec une constance et un enthousiasme spectaculaires.

Ce parcours sans faute ouvre sans surprise les portes de l’Académie Goncourt à l’ancienne lauréate. Le 13 septembre 1983, Edmonde Charles-Roux est élue au 2e couvert, celui de Huysmans, Jules Renard, Judith Gautier et Sacha Guitry, succédant à Armand Salacrou. Son action en faveur de l’ouverture du vénérable cénacle est à l’image de son parcours : libre et indocile. Aussi quand les jurés s’inquiètent, voire s’indignent de voir le label « Goncourt » dévoyé par un prix de lecteurs lycéens, elle se bat et convainc ses confrères que l’image de l’institution quelque peu entachée ne peut qu’en bénéficier, rajeunie et dynamisée. Dès 1988, sur la base de la première liste d’automne en vue du prix, en partenariat avec la FNAC et l’éducation nationale, ce trophée d’automne a sa championne, souveraine et malicieuse.

Toujours sous la houlette d’Edmonde Charles-Roux, qui succède à François Nourissier à la présidence de la compagnie, le 5 mars 2002, l’Académie connaît sa plus profonde mutation avec la réforme des statuts actée en 2008 (dont l’honorariat automatique à 80 ans pour les membres élus depuis cette date). Elle laissera sa place à Bernard Pivot en janvier 2014 et laissera son couvert à Eric-Emmanuel Schmitt début janvier.

« L’artiste doit être dangereusement seul », se plaisait-elle à répéter en citant Derain. Mais elle qui soutint aussi que « rien n’est plus égoïste qu’un écrivain » a démenti, par sa curiosité, son art du lien et son empathie, cette sombre vision qui n’éclaire que l’œuvre. Grande dame des lettres, elle a marqué de son empreinte la vie culturelle avec une autorité tranquille et un goût propre qui l’ont placée hors du commun. Indocile et singulière toujours.

•    17 avril 1920 Naissance à Neuilly-sur-Seine
•    1940 Croix de guerre caporal d’honneur de la Légion étrangère
•    1950-1966 Les années « Elle »
•    1966 « Oublier Palerme », Prix Goncourt
•    1973 Mariage avec Gaston Defferre
•    1983 Entre à l’Académie Goncourt
•    2016 Mort à Marseille

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La escritora francesa Edmonde Charles-Roux firmando copias de su libro 'Olvidar Palermo', en 1966. 

A quienes la descubrieron en sus últimos años de vida les costaba imaginar que, bajo su sempiterno disfraz de gran burguesa parisina, se escondía una verdadera revolucionaria. Las joyas y fulares que solía pasear por las reuniones del jurado del Premio Goncourt, ese cenáculo de otro tiempo que presidió hasta hace pocos meses, no lograban disimular que Edmonde Charles-Roux fue una personalidad libre, atípica y avanzada a su tiempo. La escritora y periodista francesa falleció el miércoles por la noche a los 95 años, poniendo fin a una existencia marcada por la indocilidad respecto a sus orígenes patricios, una pasión desbordante por la literatura y un compromiso político infatigable.




Nacida en 1920 en Neuilly-sur-Seine, en la periferia más acomodada de París, Charles-Roux fue la tercera hija de una familia de ilustres marselleses, surgidos de la burguesía conservadora, armadores y comerciantes de aceites y jabones que se habían enriquecido “gracias al colonialismo durante el siglo XIX”, según su propia confesión. Su abuelo fue embajador en el Vaticano y amigo íntimo de Pío XII. Su hermano, sacerdote en una iglesia londinense, pasó media vida militando por la beatificación de María Antonieta, mientras que su hermana Cyprienne terminó casándose con el ministro de Exteriores de Mussolini. Su padre, pese a ser gaullista de corazón, fue nombrado alto funcionario del régimen de Vichy, donde trabajó unos meses antes de dimitir ante la llegada de Pierre Laval. La joven Edmonde, que al estallar la guerra tenía 19 años, tomó el camino opuesto. Se instaló en Marsella, empezó estudios de enfermería y trabajó como voluntaria junto a la Resistencia, curando a italianos y checos de la legión extranjera (hablaba su lengua, al haber crecido entre Roma y Praga) y escondiendo a inmigrantes comunistas en el jardín familiar. Fue herida durante el bombardeo de un hospital y recibió la medalla de honor de los veteranos.

Al terminar la guerra, la alta sociedad no dudó en cerrar sus puertas a esa distinguida señorita que se había ensuciado las manos en el frente militar. Pese a todo, convertirse en desclasada le permitió inventarse un destino a su medida. “Me convertí en una persona abominablemente libre”, dijo una vez. Sin tener ninguna perspectiva mejor, aceptó un pequeño empleo distribuyendo el correo en la revista Elle en 1947, dos años después de su fundación. Buscando a alguien que hablara italiano con fluidez, la papisa de la revista, Hélène Lazareff, le propuso entrevistar a Toscanini durante su regreso a Milán. En solo tres años, Charles-Roux logró subir todos los escalones hasta ser nombrada directora de la edición francesa de Vogue, desde la que revolucionaría por completo la prensa femenina. Durante los 16 años que duró su reinado, se esforzó en demostrar que la moda también era cultura. Abrió la revista a los nombres más innovadores de la época y colaboró con Guy Bourdin, Irving Penn, Richard Avedon o William Klein, además de contar con firmas como Alain Robbe-Grillet o Violette Leduc, publicar textos inéditos de Colette y Saint-John Perse, y promocionar a nombres ascendentes en el camino que condujo hacia el prêt-à-porter, como Christian Dior o Yves Saint Laurent.



Pero Charles-Roux también pagó muy caro su reconocido gusto por la insolencia. Por ejemplo, fue despedida de Vogue en 1966 “por haber intentando poner a una modelo negra en la portada”, según su versión (un escándalo en aquella época: la primera en hacerlo fue Naomi Campbell, veinte años más tarde). Otros juran que fueron sus relaciones con el Partido Comunista las que inquietaban a su editor estadounidense en plena caza de brujas del macartismo. Libre y desposeída otra vez más, Charles-Roux se reinventó como novelista al publicar a los 46 años Olvidar Palermo, sobre el destino los emigrantes sicilianos en Nueva York, que fue elogiada por Louis Aragon, se convirtió en superventas inmediato y ganó el Goncourt, mayor premio de las letras francesas, del que fue jurado entre 1983 y 2014. Logró despojarlo de su opacidad interna e impulsó un premio derivado, el Goncourt des Lycéens, que conceden los estudiantes de secundaria, pese a la negativa de otros miembros del jurado que temían que la marca se viera desprestigiada. También firmó una novela ambientada durante la ocupación nazi, Adrienne, y dos brillantes volúmenes sobre Coco Chanel.

Su padre le espetó una vez, entre admirado y enfurecido, que vivía “como un hombre”. Partidaria de la soltería para salvaguardar su libertad y reacia a tener descendencia, Roux-Charles se casó en 1973 con el entonces alcalde de Marsella, el socialista Gaston Defferre, que luego fue nombrado ministro de Interior de François Mitterrand, al que había conocido en una ceremonia en su honor. Se convirtió entonces en la principal aliada de ese político fogoso y lo ayudó a mantener el poder contra viento y marea, interviniendo en los asuntos de la ciudad, premiando a los fieles y castigando a quienes no habían estado a la altura. Por ejemplo, defendió al polémico empresario Bernard Tapie en su carrera política y luego presidió el comité de apoyo a Jean-Pierre Chevènement en las presidenciales de 2002, posicionándose contra el candidato oficial del partido, Lionel Jospin. Aquel cisma del socialismo francés terminó propiciando el inesperado acceso de Jean-Marie Le Pen a la segunda vuelta. En los alrededores del gran apartamento del centro de Marsella en el que Charles-Roux siguió viviendo hasta hace pocos años, situado en lo que fue un feudo socialista durante décadas, el Frente Nacional hace hoy estragos.

Respetada por toda la intelectualidad parisina, incluso por quienes no soportaban sus agrias invectivas y su ocurrente crueldad, esta gran dama eternamente pegada a un moño en rodete y aficionada a soltar tacos nunca adoptó el registro estelar de muchos escritores franceses de su generación. “A mí me gusta la sombra, el silencio y la reflexión. Me gustan todas esas cosas que se oponen a lo que uno debe ser hoy”, dejó escrito. A lo largo de sus vidas sucesivas, Edmonde Charles-Roux se habrá mantenido fiel a un admirable principio vital: el de llevar la contraria.

Leer artículo en el Pais. Madrid


L’année de son départ du magazine Vogue, Edmonde Charles-Roux publiera chez Grasset son premier roman, Oublier Palerme, pour lequel elle remportera le prix Goncourt.

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